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10 avril 2010 6 10 /04 /avril /2010 12:42

invités

 

 

Réalisateur : Anne Le Ny

Distribution : Michel Aumont, Fabrice Luchini, Karin Viard

Durée : 1h40

Lucien, après une carrière comme médecin de gauche humaniste à la notoriété irréprochable, décide de prendre sous son aile une famille de sans-papier, comme ultime geste de générosité, mais ne sait pas qu'il va accueillir une moldave dont il va tomber amoureux.

L'attitude de ce vieil homme, qui soudainement ne pense qu'à lui, va déstabiliser ses enfants, bouleversant l'image qu'ils avaient de leur père, et faire remonter les vieilles rancunes ou amertumes.

Les invités de mon père est le second film d'Anne Le Ny, après Ceux qui restent (2007), et révèle un talent d'auteur et de réalisation pour cette actrice, pas spécialement remarquable, mais qui reprend brillamment le flambeau de la comédie française en lui donnant la profondeur nécessaire pour dépasser le simple divertissement, et proposer une satyre subtile des relations humaines et familiales.

Le film démarre sur le ton de la comédie décapante avec des comédiens surdoués qui dépeignent remarquablement le conformisme à la fois bobo et gauchiste, mais aussi l'hypocrisie et les limites d'une famille bourgeoise dont on sent que l'image du père a lourdement pesé sur les enfants.

L'un est devenu un avocat nouveau riche, et fier de l'être, cherchant à se soustraire de la morale bien pensante avec laquelle il s'est confronté toute son enfance, et l'autre, sa soeur, est devenue médecin humanitaire pour marcher sur les traces de son père à qui elle souhaite plaire désespérément.

Fabrice Luchini et Karin Viard sont donc ainsi remarquables qu'ils arrivent à dégager toute une palette de sentiments et d'émotions compliquées ou contradictoires avec le naturel qui sied à la subtilité de tels rôles.

Lorsque Tatiana débarque et que Lucien annonce leur mariage blanc, destiné à éviter l'expulsion à la moldave, Anne Le Ny aborde avec finesse les difficultés, pour des enfants, à envisager quelque changement que ce soit dans le vie de leur père, dont ils souhaitent conserver l'image et la vie intacte dans un bocal, pour ne pas ébranler leurs propres certitudes ou remettre en question leurs choix.

Elle le fait sans imposer de morale ou de jugements sur ses personnages, donnant d'ailleurs à l'avocat de droite plus de lucidité et de fragilité lorsque l'image du père parfait se fissure et qu'il en perçoit ainsi  les failles. Sa soeur par contre tombe dans le cliché de la femme qui cherche à s'émanciper du chemin qu'elle pensait valable, et de pouvoir le faire en multipliant les aventures, mais ne fait que renforcer la détresse dans laquelle elle finit par tomber. 

En filigrane le film aborde une tapée de thèmes et notamment celle des sans-papier et des extrémités auxquelles doit se soumettre Tatiana lorsque Lucien réclame d'elle plus qu'un mariage blanc, son image de sainteté en prenant au passage un sérieux coup. Jamais le film ne prête donc à porter de jugement puisqu'il éclaire à chaque fois chaque scène suffisamment pour que l'on puisse s'en préserver. Et même si Welcomeprécédemment évoqué, va nettement plus loin car jouant sur un autre registre, Anne le Ny témoigne de la conscience qui habite certains réalisateurs français autrement intéressés que par le bling bling ambiant.

Si Luchini est étonnant de sobriété et se révèle acteur de grande finesse, que Karin Viard prouve une fois de plus qu'elle a le charme et la talent de plus en plus remarquables, la palme, à mon sens, revient à Michel Aumont, extraordinaire acteur discret, campant les éternels seconds rôles, mais dont le métier d'homme de théâtre et la physionomie bonhomme donnent une épaisseur et une présence irrésistibles au personnage de Lucien.

Un film qui, au final, laisse un goût tenace en bouche et qui, débarassé de toute prétention ou d'arrogance, se pose comme le meilleur du cinéma français.

Note : 4/5




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